E.C.H.O.E.S.

CHRISTOPHE LELOIL SEXTET

  • Carine Bonnefoy, piano
  • Raphaël Imbert, saxophones alto, ténor et clarinette basse
  • Thomas Savy, saxophone baryton, clarinette basse et clarinette sib
  • Simon Tailleu, contrebasse
  • Cédrick Bec, batterie
  • Christophe “Leloil” Loilier, trompette, bugle et sourdines

Compositions, arrangements, direction d’orchestre : Christophe Leloil

Enregistré les 21, 22 et 23 mai 2008, mixé les 16 et 17 juin 2008 par Gérard De Haro, assisté de Nicolas Baillard aux studios La Buissonne de Pernes-les-Fontaines.

Mastering : Nicolas Baillard

Préparation du piano : Alain Massonnaud

E.C.H.O.E.S est le premier album du trompettiste Christophe Leloil, musicien installé dans le sud-est, connu entre les territoires couverts par le Cri du Port marseillais et l’AJMI avignonnais. On le savait subtil accompagnateur dans le quartet du saxophoniste Raphael Imbert, son groupe Nine Spirit et dans l’octet de Sylvia Versini (déjà un album AJMI), il se révèle leader talentueux, dans la lignée des grands maîtres de l’instrument.

Faisons confiance à Jean Paul Ricard pour cette dernière livraison du label Ajmiseries : il a du flair pour dénicher les artistes prometteurs, les musiciens en friche, ou déjà éclatants.

C’est peu dire qu’il nous fait plaisir Christophe Leloil avec ce sextet, fine équipe composée de la pianiste Carine Bonnefoy, de Raphael Imbert et Thomas Savy en tous points remarquables aux divers saxophones et clarinettes, de la formidable paire rythmique sudiste (d’In & Out entre autre) que nous affectionnons, Cedric Bec et Simon Tailleu. Une vraie formation soudée et complice pour jouer les compositions du trompettiste, arrangées spécialement pour le groupe.

D’ailleurs, Leloil a donné à chacun la possiblité de montrer son talent avec des transitions spécialement aménagées pour Carine, Simon ou Cédric (« A drum can sing »)… Raphael Imbert est très présent, toujours sensible et tonique ; quant à Thomas Savy ( The Smooth side of T.S), il est impérial à la clarinette basse ou au saxophone baryton .

Avec une complicité maintenant éprouvée, depuis que cette belle équipe a appris à se jauger musicalement et humainement , s’est mise en place une exploration précise d’univers musicaux, issus de la tradition du jazz .

E.C.H.O.E.S dont le joli acronyme signifie « Extended Composition Heard on Evolutive Swing » dit tout du programme dès le titre, car le sextet n’a pas peur de jouer avec des titres explicites « Paint at Onyx », dédicaces à L’Onyx Club de la 52è rue, le temple de Bird et Dizzy , ou « Shaw time song », entre « enterntainment » et hommage à Woody Shaw, une des références revendiquées . On aura ainsi compris d’où vient la musique de Christophe « Leloil » Loilier. Pour preuve « Roulette russe », somptueuse ballade, si délicate, dans la plus belle tradition de cette musique aimée, ou « Let her dance », hommage actualisé à l’esprit de la musique issue de la Nouvelle Orleans.

Christophe Leloil renoue avec l’expressivité qui a traversé l’ histoire de cette musique, d’où les effets de « growl »et l’utilisation de multiples sourdines : non seulement la « harmon », celle de Miles, qui se retrouve dans la section de « Bass time » mais aussi la « cup » ou la « plunger » (la ventouse débouche-évier), vestige de l’ère Swing . Ce qui fait dire à Jean Paul Ricard dans ses excellentes notes de pochette que Christophe Leloil retrouve la « puissance et le velouté des grands solistes du middle jazz de Bubber Miley à Roy Eldridge… »

Il ne renie pas non plus l’héritage des grands hard-boppers ( Freddy Hubbard, Woody Shaw, Booker Little, Lee Morgan, Kenny Dorham…) et avoue son admiration pour Wynton Marsalis dont les enregistrements des années 85-95 demeurent pour lui des sommets de swing et d’inventivité.

Mais si la musique de Christophe Leloil prolonge la tradition, si elle fait référence à Ellington ou à Carla Bley, elle est fondamentalement actuelle par sa rythmique : son langage s’inspire nettement des solistes contemporains, au rang desquels figure Tom Harrell, pour la découpe des phrases. Très expressive par la façon dont elle est projetée par les musiciens, qui n’ignorent rien de Johnny Hodges, Eric Dolphy mais aussi de Zappa ou John Zorn, qui s’inspirent à la fois d’Art Farmer, Pepper Adams… de Dabe Douglas ou Joey Baron.

Le trompettiste propose sa musique, au plus près de sa source, et on se laisse prendre à son lyrisme efficace, sans trop de méditation ni de recueillement : ce n’est point là sa pente naturelle, la mélodie est serrée au plus près, avec une clarté d’articulation, et une liberté conquise au détriment d’une séduction facile!

Règne ainsi une vigueur communicative, dès l’ouverture de l’album : par la richesse des échanges qui entretiennent et relancent une sorte d’intrigue, on se laisse vite prendre à cette suite de 50 minutes que sert un sextet vibrant .

Une musique intelligente, dense et colorée, rigoureuse et puissante à la fois. Sûr que ce sextet qui renoue avec la tradition sans renier la modernité, mérite de sortir de l’ombre. On attend avec impatience la suite de leur aventure musicale.